Définir l’origine du problème :

Les activités sportives et récréatives perçues comme un luxe

Contributions apportées par :

Julia Frigault

Colleen Gauvin

Cathy Halstead

Kyle Harrington

Tanya Hatt

Courtney Ivey

Corey Kettner

Dr  Jules Maitland

Hope Twinamatsiko

Madeleine Whalen

Nous tenons à souligner que ce projet a été réalisé sur le territoire non cédé et non abandonné des peuples Mi’kmaq, Wolastoqey et Passamaquoddy.

D’importantes inégalités sociales et économiques empêchent les résidents méritant l’équité de participer à des activités sportives et récréatives (ASR). Au Nouveau-Brunswick, la possibilité de participer à des ASR dépend du statut socio-économique du ménage en raison de la prédominance d’un modèle de frais d’utilisation (c.-à-d. payer pour jouer ou payer pour participer). Cela est particulièrement vrai pour les résidents méritant l’équité, comme les autochtones, les personnes de couleur, les nouveaux arrivants, les personnes handicapées, les ménages monoparentaux, les jeunes et les personnes âgées, qui font tous face de manière disproportionnée à la pauvreté et à de faibles revenus.

Pour faciliter la participation des résidents méritant l’équité, en particulier ceux qui sont en situation de pauvreté et qui vivent avec de faibles revenus, on utilise des solutions de fortune ou à court terme telles que des programmes d’aide financière (PAF), des programmes gratuits ou à faible coût, des activités ponctuelles gratuites ou un accès gratuit ou à faible coût. Toutefois, elles ne suffisent pas à créer un accès durable et équitable aux ASR. 

Lorsque les dispositions communautaires en matière d’ASR sont conçues pour faire de l’argent, elles s’adressent à ceux qui ont les moyens de payer, ce qui a pour effet de perpétuer un piège classiste qui exclut les résidents méritant l’équité (1). En outre, les PAF qui ciblent les résidents à faible revenu sont alors basés sur ces programmes, informés et construits sur la base des valeurs et des centres d’intérêt des classes moyennes et supérieures blanches, « forçant » ou « guidant » les résidents méritant l’équité vers des activités qui n’ont pas forcément de sens ou d’intérêt. Par conséquent, tous les efforts déployés pour favoriser l’accès et l’inclusion peuvent donner lieu à une opposition entre nous et eux, également connue sous le nom d’altérisation. 

Qu’est-ce que l’altérisation?

L’altérisation est un processus de déresponsabilisation et une étiquette discriminatoire et d’exclusion (2). L’altérisation est utilisée de manière négative pour différencier les personnes étiquetées de celles qui détiennent le pouvoir. Être « altéré », c’est être reconnu comme différent de la norme, de ceux qui détiennent le pouvoir et qui sont socialement acceptables (3). 

L’altérisation consiste également à attribuer des caractéristiques négatives à des personnes ou à des groupes différents du groupe social normatif perçu. L’altérisation peut être fondée sur divers attributs, notamment l’âge, les capacités, le sexe, l’orientation sexuelle, la langue, la profession, l’affiliation politique, la religion, le statut de citoyen, la couleur de la peau et le statut socio-économique. 

Types d’altérisation

« Vous entrez dans une salle de sport, et il y a 20 habitués, et vous êtes scruté à la loupe. Ce n’est pas un sentiment de bienvenue. »

« Je sais que vous [les fournisseurs d’ASR] ne m’accueillez ici que parce que vous avez reçu une énorme subvention pour le faire. »

« En raison du prix et des habitués, qui pensent qu’ils possèdent [les services/espaces d’ASR]. Comme ne pas les mettre à la disposition du plus grand nombre. »

Quelles sont les causes profondes de l’altérisation dans les environnements d’ASR?

Pour notre projet (4), les résidents méritant l’équité ont identifié la priorité accordée à la génération de revenus à partir de modèles de frais d’utilisation comme faisant partie du problème de fond. Lorsque les fournisseurs d’ASR doivent donner la priorité à la génération de revenus, ils créent des programmes et des services destinés uniquement à ceux qui ont les moyens de payer. Cette priorité conduit à des normes d’ASR et à un sentiment d’appartenance qui sont largement dictés par les centres d’intérêt, les valeurs et les ressources (c.-à-d. le transport, l’argent, le capital social et les connaissances) des résidents blancs, valides et de la classe moyenne-supérieure. Cela crée un système à deux niveaux dans les ASR : ceux qui ont les moyens d’être présents tout le temps et à tout moment (niveau dominant) et ceux qui ne peuvent pas ou qui n’ont qu’un accès partiel (niveau non dominant). 

Avec un modèle de paiement « payer pour jouer ou « payer pour participer », les valeurs sociétales à l’égard des ASR sont perçues comme un luxe dont les résidents doivent « mériter » l’accès, alors qu’ils y ont « droit ». Lorsque les ASR sont considérées comme un luxe obtenu grâce à une contribution économique à la société, les résidents méritant l’équité qui n’ont pas les moyens de jouer ou d’accéder aux ASR peuvent éprouver un sentiment de honte, de culpabilité, de peur d’être jugés et de ne pas mériter leur place lorsque les fournisseurs d’ASR tentent de leur donner accès aux ASR.

“Pourquoi les personnes qui vivent dans la pauvreté se sentent-elles souvent dévalorisées? Parce que nous le sommes. Le profit (la rentabilité) passe avant tout. Parfois, les obstacles ne sont même pas envisagés par les coordonnateurs d’ASR et les personnes qui conçoivent ces activités [dispositions]. Ils ne pensent pas aux pauvres, aux personnes âgées, aux nouveaux arrivants et à toutes les barrières que nous devons franchir pour accéder à ces choses [sports, activités récréatives et loisirs].” 

Malheureusement, ces sentiments et la notion d’altérisation sont perpétués par les types de dispositions « d’accès » que les fournisseurs d’ASR mettent en œuvre dans la communauté.

« Et lorsque vous avez déjà l’impression de ne pas devoir le faire, ou que la culpabilité vous envahit, vous vous retrouvez avec un sentiment de culpabilité associé au coût; cela empêche beaucoup de gens d’essayer. »

« On pense que les sports, les loisirs et les activités récréatives sont considérés comme un plaisir plutôt qu’un besoin. Je me sens coupable de dépenser de l’argent pour un cours de poterie qui m’intéresse tant. Je me sens coupable parce que cet argent pourrait être utilisé et est nécessaire dans tant d’autres domaines. »

« La participation de la communauté locale n’est pas suffisante en raison de l’exclusivité. C’est cher et donc, les familles, les gens sont dissuadés d’y aller. »

À quoi ressemble l’altérisation dans le domaine des ASR pour les résidents méritant l’équité?

Dans le cas d’un système d’ASR à deux niveaux qui exige un statut socio-économique élevé pour la participation, les secteurs d’ASR fournissent au niveau non dominant (les résidents méritant l’équité) des ressources financières et matérielles (c.-à-d. des PAF, des programmes gratuits ou à faible coût, etc.). Toutefois, ces stratégies, qui sont destinées à créer un accès et à favoriser l’« inclusion », perpétuent l’exclusion et développent la notion d’altérisation de diverses manières : 

  • Il y a un accès limité aux installations sur une base « gratuite » ou à faible coût, ce qui fait comprendre aux résidents méritant l’équité que cet espace n’est pas accessible à tous. Ils ne sont accueillis que certains jours ou pour participer à certaines activités (natation libre ou patinage uniquement).

  • Offrir aux résidents méritant l’équité des activités ponctuelles gratuites plutôt que des programmes continus avec un encadrement par des animateurs ou des instructeurs; ce type de soutien crée une expérience de second ordre pour les résidents méritant l’équité par rapport aux programmes payants qui donnent accès à des instructeurs, à des entraîneurs, à une participation continue, au développement des compétences et à l’accès aux installations. Le message que cela envoie est que « je ne mérite pas mieux ».

  • Subventionner uniquement le sport organisé et les possibilités de loisirs en négligeant d’autres activités de loisirs telles que les arts, la culture et les activités de plein air; cela réduit les possibilités de renforcer la diversité et l’expression personnelle, car les résidents méritant l’équité ne peuvent participer qu’à ce que le niveau dominant valorise. En fin de compte, dire aux résidents méritant l’équité « qu’ils ne sont pas appréciés à leur juste valeur ».

  • Prouver que l’on est à faible revenu pour obtenir une aide financière est une source de honte et de stigmatisation.

  • Le manque de diversité dans la programmation, le personnel et les membres des conseils d’administration envoie le message que la blancheur est la norme et que les différences de race, d’ethnicité, de culture, de sexe et d’aptitudes ne sont pas visibles.

  • Les formulaires de soutien financier compliqués et les options de paiement rigides font honte aux résidents méritant l’équité parce qu’ils n’ont pas gagné assez pour jouer.

  • La surveillance des participants bénéficiant d’une aide financière crée une image selon laquelle les citoyens bénéficiant d’une aide financière ne sont pas dignes de confiance.

  • Les programmes à forte intensité de temps véhiculent l’idée que les résidents méritant l’équité ne sont pas à leur place et que ces activités ne sont pas faites pour eux.

  • Les frais d’accès cachés ou le fait de ne pas divulguer l’aide financière envoient le message aux résidents méritant l’équité qu’ils ne sont pas les bienvenus ici. 

Ces effets d’altérisation des dispositions d’accès aux ASR créent des barrières à l’appartenance, ce qui conduit...

Les résidents méritant l’équité à se sentir exclus, non invités et malvenus et à penser qu’ils ne méritent pas d’être dans des environnements communautaires d’ASR ou d’y appartenir.

Par conséquent, il serait peut-être plus utile de se concentrer sur la refonte des dispositions des ASR qui cultivent un sentiment d’appartenance, un accès digne et des expériences inclusives en matière d’ASR pour les personnes méritant l’équité.

 

1 Oncescu, J. (2021). Low-income families and the community sport and leisure delivery systems. In D. E. Trussell, & R. Jeanes (Eds.), Families, sport, leisure and social justice: From protest to progress (pp. 164-176). Routledge. 

2 Brons, L. L. (2015). Othering, an analysis. Transcience: A Journal of Global Studies, 6(1), 69-90. 

3 Jensen, Q. S. (2011). Othering, identity formation and agency. Qualitative Studies, 2(2), 63-78. https://doi.org/10.7146/qs.v2i2.5510 

4 https://www.reimaginingaccess.ca/ 

 

Veuillez citer ce rapport comme suit : « Oncescu, J., 2023. Définir l’origine du problème : Les activités sportives et récréatives perçues comme un luxe. Réimaginer l’accès aux ASR ».

Next
Next

La complexité de l’accès aux activités sportives et récréatives pour les résidents méritant l’équité :